(Images : Thomas Pesquet ISS) En revenir à l'intériorité et à l’introspection... Une fois n’est pas coutume, nous parlerons un peu moins d’ostéopathie. En ce jour de la Terre, 22 Avril 2020 en confinement, cabinet fermé et consultations suspendues pour cause de pandémie... se poser pour réfléchir. Tenter une voie qui nous permette de trouver une sécurité suffisante dans ce monde en transition, une place entre l'ancien monde et son modèle économique et le nouveau qui devra émerger de gré ou de force vu la crise écologique et sanitaire que nous traversons, qui amène à l'humanité des défis qu'elle n'a jusqu'alors jamais eu à relever et qu'elle s'est elle-même créés. C'est le challenge de notre génération, et des enfants qui grandissent aujourd'hui dans ces périodes de bouleversements. La crise sanitaire du Covid-19 nous ramène à l'appréhension des jeunes qui manifestaient il y a peu pour le climat et qui peinent à se projeter dans le modèle de vie présenté par leurs prédécesseurs, qui ne pourront d'ailleurs pas s'y projeter même s'ils le voulaient, puisque les ressources sur Terre ne sont pas infinies et ne le permettront pas, et que le système actuel ne permet pas d'inclure la vie de tous ses habitants, qu'ils soient issus du règne végétal ou animal. Je me sens comme les autres, particulièrement concernée puisque c'est cette difficulté à se projeter dans le modèle offert par les grandes entreprises et la volonté de m'en extraire pour trouver une voie avec laquelle je puisse me sentir en accord sur le plan éthique, tout en tentant malgré tout de trouver une place dans cette société, qui m'ont fait quitter les classes préparatoires aux grandes écoles d'ingénieur et me diriger vers l'ostéopathie, à la fois pour essayer de me sentir utile de façon concrète et autonome (apprendre à faire des évaluations rapides de situation et pouvoir avoir une action immédiate et "écologique" avec les mains, sans recours ni dépendance à la chimie ou à une machine), utiliser sens, instinct et intuition autant que la raison, et pouvoir avoir sur le long terme une place sans nécessité d’élitisme mais qui me rende j’espère utile à mes semblables, au contact de l'humain et de sa complexité, des histoires de vie, des joies comme des drames quotidiens qui font la vie de tous, dans lesquels on a besoin de l'autre pour s'aider à vivre, souvent sans autre contrôle ni certitude possible que l'accompagnement mutuel. C’est ce que j’espère encore, car pour moi le choix de l’ostéopathie était la tentative de poser un acte de philosophie de vie et l’ostéopathie elle-même, une philosophie en action. Accepter l’interdépendance, s’inscrire dans quelque-chose qui nous dépasse, et pouvoir apporter sa pierre à l’édifice, fût-elle petite. Notre crise d'aujourd'hui remet en lumière le caractère essentiel des professions oubliées sans lesquelles nous ne pourrions fonctionner, infirmiers, aide-soignants, commerces alimentaires, productions locales, elle aura au moins eu ce bénéfice. Etre en accord avec ce qu'on fait dans son essence, sur le plan éthique et humain, trouver du sens, c’est un luxe et un choix que j'ai eu la chance de pouvoir faire en étant soutenue dans cette voie, soutien que j’aimerais pouvoir transmettre à mon tour aux plus jeunes aujourd’hui. Je comprends d'autant plus leurs questionnements actuels, face à ces défis environnementaux et à une société qui leur propose un modèle économique presque déjà périmé, et leur difficulté à s'y insérer. C’est notre responsabilité de les y aider en continuant de nous interroger avec eux... Comme le dit Cyril Dion, nous avons besoin d'un "nouveau récit" à leur proposer ; et avec Pierre Rabhi, le mouvement des colibris et bien d’autres, se remet en place cette idée que l'homme ne doit pas être un simple rouage dans un système qui devrait être un outil d’épanouissement et d’enrichissement mutuel, mais qui devient dans les faits un engrenage qu'on ne peut plus arrêter, qui s’affole, uniformise et finit par asservir ce qui en l'homme devrait être au contraire encouragé et développé. Sa conscience, sa santé, et le fait de pouvoir être, simplement, comme une fin en soi et la partie d'un tout, qui correspond à la vie plus qu'à un système économique, en écosysytème et en accord avec lui-même, c'est à dire son essence. Nous avons un besoin urgent de (bio)diversité. Que signifie "être humain" ? Cela pose question à différents niveaux et "il faut bien manger", de façon très immédiate pourtant, faire société, c'est la base, comme cette base de la pyramide de Maslow qui définit l'échelle de nos besoins. Ce qui nous donne peut-être aussi la responsabilité, lorsqu'on a assez pour se nourrir, se vêtir, se loger, une sécurité matérielle suffisante pour assurer nos besoins, d'utiliser l'énergie restante pour définir de quel monde nous avons envie pour nous en sentir responsables, et unir nos efforts vers ce but ; et plutôt que nous divertir ou fuir pour oublier notre perte de sens, prendre au contraire du temps pour rêver, réfléchir, prendre conscience et créer l'espace en nous pour qu'émerge à toutes les échelles, une forme durable de société au service du vivant, et pas l'inverse. En ces temps de confinement où le terme de "crise", selon son étymologie, nous permet aussi de repenser les choses en terme d'opportunité, l'opportunité de s'arrêter pour les faire évoluer, il s'agit pour chacun d'entre nous de faire face à lui-même pour chercher ce qui fait sens au fond de lui, chacun à son échelle. Bien évidemment et comme toujours, la crise n'est pas la même pour tout le monde et ses conséquences sanitaires et économiques auront des retentissements durables et difficiles, je fais partie en tant qu'indépendante des personnes concernées par ces difficultés économiques et inquiétudes très immédiates et concrètes. Tout en ayant conscience de la chance de vivre en France, alors que d'autres, dans d'autres pays ou même ici, sont encore dans de bien plus grandes difficultés. Mais à une échelle plus large, il nous faut désormais nous reconstruire, accepter de ressortir à l’extérieur, en espérant que cette nouvelle société, qui même si elle paraîtra peut-être semblable au premier abord, ne pourra pas l'être tout à fait ni repartir comme si de rien n'était, soit désormais plus solidaire, plus durable, plus viable pour les espèces vivantes dont nos propres enfants. Que cette épreuve nous ait permis, chacun à son échelle et malgré ses difficultés, et même s'il faudra repartir et recommencer, de prendre le temps de cette prise de conscience ; afin que cette fuite en avant qui nous reprendra peut-être, ait pris un sens un tout petit peu différent, ait un tout petit peu ralenti, ait envisagé une direction plus lumineuse et qui sait, plus humble. C'est aussi une prise de conscience d’humilité et d’émerveillement que permettrait l'overview effect observé chez les astronautes qui ont pu expérimenter la contemplation "de l'extérieur" de notre petite planète, pour se rendre compte de sa beauté mais aussi de son état aussi fragile que précieux. Il nous faut peut-être désormais regarder aussi bien à l'intérieur de nous-mêmes pour comprendre le mécanisme qui pousse chacun de nous vers ce profit sans conscience, même à notre propre niveau individuel ; que vers l’extérieur, pour continuer de rêver, avec nos astronautes, astrophysiciens et poètes autant qu’avec tous ces gens qui nous entourent au quotidien et avec qui nous souhaiterions avancer, demain, d'une façon plus créatrice qu’(auto-)destructrice, chacun individuellement autant que de façon collective. Je souhaite malgré tout que nous puissions continuer de rêver ce monde, et de tenter de le construire, par nos actes quotidiens et le modèle que nous offrons à nos enfants, pour y préserver la vie si fragile, l’espace de se l’imaginer et d’y trouver de la joie simple dans l’instant. Merci à nos soignants, qui au cours de cette pandémie donnent tant d’eux-mêmes, et à tous ceux qui continuent de nous faire vivre. A revoir dans ce contexte : le film Demain (ici sa bande-annonce) et l’interview associée au film avec Cyril Dion et Mélanie Laurent :
Et l’émission de « La grande librairie » sur le thème « Sauver la planète » rediffusée pendant le confinement :
https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-12/1109053-speciale-sauvons-la-planete.html Les commentaires sont fermés.
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